Les chinampas : la permaculture vue par les Aztèques ?
5 mois déjà, le temps file ici… Nous profitons de cet article pour vous donner des nouvelles du voyage avant de vous en dire plus sur les chinampas.
Dès notre arrivée au Mexique fin Novembre, nous nous arrêtons pour réparer le vélo de Kalima à Ensenada (merci à nos 2 sponsors : Azub et à Bajadventours pour la nouvelle suspension et la pose !!).
C’est l’occasion pour nous de prendre des cours d’espagnol de façon intensive. Il y a des chances que ce soit utile par la suite…
Le désert de Basse Californie nous tend les bras, nous vivons un mois plongés dans un univers nouveau : cactus, coyotes, mer d’azur et désert à perte de vue. On se retrouve seuls, avec notre tente pour camper sous les étoiles au milieu de nulle part…
Nous célébrons Noël en musique à La Paz avec Eduardo et sa famille. Merci à eux pour cette merveilleuse soirée !
Nous profitons d’être dans le sud de la Basse Californie, pour plonger avec les requins baleines. Grosse bouffée d’adrénaline dans ce face à face avec le plus grand poisson du monde !
La traversée de la Mer de Cortes, de La Paz à Mazatlan se fera de nuit, sur le pont d’un Ferry, exposés aux 4 vents. Petite nuit mais heureux de débuter cette nouvelle année ici à Mazatlan.
Sur le trajet pour Mexico, nous renouons avec les tournages du documentaire et profitons des Balnéarios sur la route.
Lors de notre premier tournage, nous rencontrons, à Morelia, le fondateur de Biofase, un plastique révolutionnaire en noyaux d’avocats. Nous n’avons pas fini d’enquêter sur le Bioplastique et nous vous en dirons plus dans le prochain article !
Arrivés à Mexico, nous nous dirigeons directement vers Xochimilco où Marissa et sa famille nous accueillent pendant 4 jours le temps de tourner notre sujet sur les chinampas.
Depuis le temps que l’on nous parle des Chinampas, nous étions très curieux de nous y rendre. Nous n’avons pas été déçus.
Les chinampas sont les vestiges de l’ingéniosité des Aztèques pour alimenter la grande cité de Tenochtitlan (qui deviendra Mexico). Selon les prédictions de leurs chefs religieux, les Aztèques (Mexicas), jusqu’alors nomades, devaient se sédentariser définitivement lorsqu’ils apercevraient un aigle sur un cactus (nopal). C’est en 1325 qu’ils virent se réaliser la prédiction, sur un îlot au milieu du lac Texcoco.
Cette terre de marécages hostiles était peu propice aux cultures. Le défi majeur des Aztèques a été de transformer cet environnement pour en accroitre les surfaces cultivables et nourrir une ville de 200 000 habitants. En construisant des îles artificielles et en utilisant la boue fertile du lac, ils sont parvenus à transformer cette contrainte, en un point fort qui leur permit de développer considérablement la ville.
Des canaux étaient tout d’abord creusés pour faciliter l’écoulement de l’eau. On disposait ensuite la boue du lac, très riche en nutriments, sur l’île, qui était maintenue par un réseau de branches de canne et de feuillage.
Des semis étaient ensuite réalisés dans un mélange de boue et de feuillage pour être déposés sur l’île. Très tôt, ces semis n’avaient plus besoin d’être arrosés puisqu’ils absorbaient l’humidité du sol, lui-même irrigué par l’eau de la lagune. Des arbres, plantés sur les bords des îlots permettaient de consolider les rives et de limiter l’érosion de l’île. En alternant les cultures, ils arrivaient ainsi à faire 4 récoltes par an et à obtenir des rendements exceptionnels. Cette technique d’agriculture ingénieuse, s’appuyant sur les forces de la nature, rappelle les principes de la permaculture utilisés encore aujourd’hui !
Ils cultivaient principalement du maïs et des haricots mais également des pommes de terre, avocats, tomates, goyaves, amarantes, piments, ainsi que des fleurs utilisées dans les cérémonies.
Le résultat est un maillage de petites îles rectangulaires extrêmement fertiles, où l’on peut se déplacer en trajineras, de magnifiques barques colorées à fond plat. Un plaisir pour les yeux !
Le déclin des chinampas s’est produit lors de l’arrivée au XVIe siècle des conquistadors espagnols qui apportèrent des nouvelles techniques de cultures et des animaux domestiqués, inconnus alors des Aztèques comme le cheval et le bœuf. Ceux-ci ont ainsi facilité le transport et le commerce de la nourriture qui n’avait ainsi plus besoin d’être produite sur place. Ils ont ensuite asséché le lac pour construire la ville de Mexico.
Aujourd’hui ce type de culture a pratiquement disparu. Certaines parcelles ont été préservées à Xochimilco au sud de Mexico et sont inscrites depuis 1987 au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Nous avons eu la chance de rencontrer 2 des rares agriculteurs qui cultivent encore les chinampas de manière traditionnelle en permaculture, sans engrais et sans pesticides.
Nous nous rendons dans un premier temps sur les chinampas de Yolcan où nous rencontrons Lucio, qui nous raconte comment depuis 2011, ils sont parvenus à réhabiliter des anciennes chinampas jusque là abandonnées.
Leur technique d’agriculture est assez proche de celle utilisée par les Aztèques. Ils vont puiser la boue très riche en nutriment directement au fond des canaux pour y faire leurs semis. Cette terre noire est découpée en quadrillage, puis à l’aide du doigt ils mettent une graine dans chaque cube de terre.
La plante peut ainsi être repiquée en restant dans son substrat fertile. Les sols sont évidemment paillés pour éviter l’évaporation et l’érosion. Afin de bénéficier d’une eau exempte de germes pour arroser les cultures, Yolcan a mis en place des biofiltres à l’entrée des canaux et un système de pompes alimentées par des panneaux solaires. Un mélange de tradition et modernité réussi !
Yolcan livre des paniers de légumes au centre ville de Mexico, aux particuliers avec des abonnements mensuels ainsi qu’aux restaurants chics de la ville. Le système des AMAP n’existe pas vraiment au Mexique. C’est encore une pratique novatrice ici de créer cet engagement direct entre le producteur et le consommateur. Plusieurs restaurants ont choisi de faire confiance à Yolcan pour pouvoir cuisiner des produits frais, de saison et bio. Certains sont aussi devenus des points de livraison des paniers légumes.
Nous avons ainsi rencontré Joaquin Cardoso, un grand chef mexicain qui a étudié la cuisine en France et qui s’approvisionne chez Yolcan. Il nous parle du goût unique des betteraves des chinampas, beaucoup plus douces que les betteraves classiques. On en profite pour goûter son dessert exceptionnel de bananes rôties accompagnées d’une glace de fleurs de cacao. Un régal !
La seconde personne que nous rencontrons s’appelle Claudia. C’est une des rares femmes agricultrices sur les Chinampas. Elle est originaire de Xochimilco et a passé son enfance ici. Ses grands parents avaient eux-mêmes des Chinampas, mais le travail de la terre s’est arrêté à la génération de ses parents. Après avoir passé 10 ans au Sud du Mexique au Chiapas, elle décide de rentrer dans sa ville d’origine et de reprendre une chinampa abandonnée. Tout en nous amenant en barque sur sa parcelle, elle nous parle de son plaisir de travailler dans ce lieu magique et de l’importance pour elle de conserver ce patrimoine en y cultivant des légumes bios et savoureux.
On est toujours admiratifs face au travail des agriculteurs. Un métier noble et courageux qui répond au besoin essentiel de chacun de se nourrir au quotidien.
Nous terminons notre séjour à Mexico par une conférence donnée à l’Alliance Française, l’occasion de partager nos premières expériences dans ce long voyage au cœur de l’alimentation durable.
A très vite pour de nouvelles découvertes !
Sylvain et Kalima
1 Comment
Frédéric Leurent · 13 février 2019 at 9 h 15 min
Miracle : je reçois enfin les alertes sur l’arrivée d’un nouveau « reportage » WORLDFOODORAMA. J’ai rattrapé mon retard et dévoré les 3. Merci pour ces belles photos et aussi vos commentaires particulièrement instructifs. Les photos du Mexique sont très belles, mais j’ai vraiment ri à voir vos têtes, semblant un peu perdues en pleine nuit avec vos vélos au milieu de ces grandes tours californiennes hyper éclairées. Les US nous font toujours un peu peur avec leur gigantisme et leur mentalité de prédateur du monde, mais on doit aussi avouer qu’ils sont souvent à la pointe de l’innovation : vous le démontrez par exemple sur le plan de l’agriculture. Bravo pour tout ce que vous nous faites partager. Bon courage et vivement le prochaine reportage.